Décret n° 2019-768 du 24 juillet 2019 : quelles évolutions apporte-t-il pour l’accessibilité numérique ?
Quatorze ans après la loi n°2005-102 du 11 février 2005 pour l’égalité des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, qui imposait aux organismes administratifs destinés au public de se conformer aux réglementations permettant l’accès de leurs sites et applications aux personnes en situation de handicap, un nouveau décret est passé. Plus complet, mais aussi plus impératif, le décret n°2019-768 est un réel pas en avant pour l’accessibilité et l’inclusion des personnes en situation de handicap dans le numérique.
Qu’est-ce que l’accessibilité numérique ?
Selon le référentiel général d’amélioration de l’accessibilité, le handicap est défini comme « toute limitation d’activité ou restriction de participation à la vie en société subie dans son environnement par une personne en raison d’une altération substantielle, durable ou définitive d’une ou plusieurs fonctions physiques, sensorielles, mentales, cognitives ou psychiques, d’un polyhandicap ou d’un trouble de santé invalidant » (article L. 114 du code de l’action sociale et des familles).
De par ces limitations et/ou restrictions, les personnes en situation de handicap n’ont pas toujours accès aux services de communication au public en ligne. Cependant, comme le prévoit l’article 47 de la loi n° 2005-102 du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, tout citoyen, qu’il soit valide ou en situation de handicap, se doit d’avoir accès à ces dit-services.
C’est pour cela que l’accessibilité numérique existe. Elle vise a permettre aux personnes en situation de handicap d’avoir les mêmes opportunités que les personnes dites « valides ».
Qu’est-ce que l’accessibilité numérique ?
Elle prévoit de rendre les services de communication au public :
- Compréhensibles : en utilisant le FALC (FAcile à Lire et à Comprendre) d’un point de vue textuel, mais en permettant aussi une navigation simple et prévisible d’un point de vue technique.
- Perceptibles : les personnes qui ont une déficience visuelle ou qui sont aveugles n’ont pas la même navigation sur un site que les personnes qui n’ont pas ce handicap. Par exemple, il faut contraster au maximum les couleurs de son site web afin que les personnes atteintes de daltonisme puisse voir toutes les informations écrites. Pour les personnes aveugles, il faut que le site soit réalisé de façon à ce qu’un vocalizer (NVDA, JAWS) puisse le lire. Il doit également pouvoir indiquer correctement chaque élément parcouru (en rajoutant une alternative textuelle à une image par exemple).
- Utilisables : il faut rendre la navigation sur un site simple autant pour les personnes qui naviguent avec une souris que celles qui naviguent avec un clavier. De plus, en utilisant un fil d’Ariane et en supprimant les temps impartis pour remplir des formulaires, on facilite la navigation de personnes en situation de handicap.
- Robustes : le site se doit d’être accessible sur n’importe quelle version (après une mise à jour par exemple) et sur n’importe quel support (desktop comme portable).
Afin de mettre l’accessibilité numérique en place, un document de référence a été rédigé, le RGAA 4, afin de répertorier tous les critères rendant un site web accessible.
Les grandes lignes du décret
Le décret n° 2019-768 a été publié le 24 juillet 2019. Sa mise en vigueur date du lendemain. Il est divisé en 4 chapitres distincts :
- Les exigences d’accessibilité aux personnes handicapées des services de communication en ligne ;
- La mise en œuvre des exigences d’accessibilité ;
- Sanctions et suivi ;
- Dispositions finales.
Quelles sont les exigences d’accessibilité ?
Le premier chapitre qui évoque les exigences d’accessibilité aux personnes handicapées des services de communication en ligne résume les obligations des sites de communication au public. Il est conforme aux normes harmonisées durant le Conseil du parlement européen du 26 octobre 2016. Ce chapitre concerne les sites et applications des organismes du secteur public. Il indique qu’en plus des administrations du secteur public (qui étaient évoquées dans l’article 47 de la loi du 11 février 2005), l’accessibilité concerne désormais les entreprises au chiffre d’affaire de plus de 250 millions d’euros. Cependant, certains contenus et fonctionnalités seront exemptés de répondre aux critères du RGAA 4, et ce car il est impossible de les rendre accessibles de par leur nature, ou leur postériorité, mais aussi s’ils sont considérés comme représentant « une charge disproportionnée ».
Qu’en est-il de leur mise en œuvre ?
Le chapitre deux qui décrit la mise en œuvre des exigences d’accessibilité évoque le RGAA en tant que socle de référence d’un point de vue format, modalités et méthodologie. Elle appelle aussi la déclaration d’accessibilité que tous les organismes concernés par l’article 47 de la loi du 11 février 2005, doivent rédiger et mettre sur leur site. De plus, ces derniers doivent témoigner d’un enseignement théorique et pratique sur l’accessibilité et la façon de rendre son site conforme aux exigences du RGAA 4.
Qu’encoure-t-on en cas d’infraction ?
Le chapitre trois se concentre sur les sanctions qui pourraient s’appliquer aux organismes concernés qui ne se sont pas conformés aux exigences du décret. Il évoque le montant de l’amende qui s’élèvera à 2000 euros pour les communes de moins de 5000 habitants, ou les organismes publics rattachés à des groupements de moins de 5000 personnes. L’amende s’élèvera cependant à 20000 euros pour tous les autres organismes non-mentionnés auparavant.
À partir de quand ce décret est-il applicable ?
Et pour finir, le chapitre quatre évoque la date à laquelle les dispositions du décret seront applicables, soit :
Pour les personnes morales de droit public, les personnes morales de droit privé délégataires d’une mission de service public ou celles créées pour satisfaire spécifiquement des besoins d’intérêt général ayant un caractère autre qu’industriel ou commercial, et les personnes morales de droit privé constituées d’une ou plusieurs des personnes évoquées juste avant :
- Le 23/09/2019 pour les sites internet et extranet créés depuis le 23 septembre 2018 ;
- Le 23/09/2020 pour les sites internet et extranet créés avant le 23 septembre 2018 ;
- Le 23/06/2021 pour les applications mobiles, le mobilier urbain et les progiciels.
Pour les entreprises dont le chiffre d’affaires excède un seuil défini par le décret en conseil d’Etat en 2005 :
- Le 1er/10/2019 pour les sites internet, intranet et extranet créés à compter de cette même date ;
- Le 1er/10/2020 pour les sites internet, intranet et extranet créés avant le 1er octobre 2019 ;
- Le 1er/07/2021 pour les applications mobiles, les progiciels et le mobilier urbain numérique.
Le décret définit donc la ligne de conduite que doivent suivre les organismes publics, mais aussi les entreprises. Il vise à rendre certains contenus et fonctionnalités accessibles. Autrement, elle recevront une sanction administrative prononcée par le ministre chargé des personnes en situation de handicap.
L’impact du décret sur l’accessibilité numérique
Des formulaires dématérialisés à remplir remplacent de nombreuses démarches administratives. Les personnes valides considèrent cela comme un gain de temps. En revanche, il s’agit d’un véritable parcours du combattant pour les personnes en situation de handicap. Suite à l’article 47 de la loi n°2005-102 de février 2005, seulement 4% des organismes concernés par cette dernière ont rendus leurs sites web accessibles. Et cette donnée est à nuancer. D’après l’étude menée par l’association BrailleNet, luttant pour l’accessibilité numérique, sur les 3,7% sites ayant fourni une attestation de conformité, seuls 14% comportent tous les éléments requis par le RGAA.
Cette loi ne prévoyait pas de sanction, contrairement au décret qui est passé en vigueur cet été. Cependant, de de nombreuses personnes luttant pour l’inclusion des personnes en situation de handicap, et l’égalité des chances, jugent cette amende trop peu dissuasive pour les entreprises.
Cependant, elle marque bien un pas en avant vers l’égalité des chances des citoyens. Car en effet, elle impose l’accessibilité, et ne la considère plus comme facultative, mais comme une obligation. Ceux qui ne la respectent pas sont donc en infraction.
Article rédigé par Jeanne Durand, Master CAWEB