Comment le storytelling impacte la traduction et le processus de localisation ?
Peut-être qu’un jour, vous vous êtes demandé comment tel ou tel slogan serait traduit dans une autre langue. Et c’est là le problème du storytelling. Cette impression que les mots ont été écrit pour vous car ils font écho à votre propre situation, jamais ne pourra être rendue dans une langue étrangère. Jusqu’à ce que la localisation entre en jeu : la clé se trouve dans le fait de toucher le public cible. Parce que tout le monde a besoin de sentir que le produit a été fait pour lui, de ressentir une connexion avec le produit avant de l’acheter.
Le storytelling : situation initiale ?
Tout le monde connaît des histoires, et nous sommes tous capables de les raconter. Mais le storytelling, c’est un niveau au-dessus.
Il était une fois
De l’anglais story, histoire et telling, raconter, le storytelling est la technique utilisée pour créer et raconter des histoires. Et les histoires, figurez-vous, font partie de l’humanité depuis toujours. Bien que la façon dont nous les transmettons ait évolué, de la tradition orale à l’écriture, en passant par des dessins dans les grottes, nous les partageons toujours. Et ce, peu importe la culture dans laquelle nous sommes, ce qui prouve que les histoires sont ancrées dans le comportement humain. « La seule chose qui nous console de nos misères est le divertissement », disait Blaise Pascal.
Mais qu’est-ce que ça veut dire, « être diverti » ? Parce qu’on est toujours diverti. Il y a toujours un écran sur lequel poser ses yeux, une radio allumée dans la voiture, un réseau social à rafraîchir… L’information est omniprésente et nos cerveaux sont constamment stimulés. Et donc comment attirer l’attention de quelqu’un parmi tout ceci ? On en appelle à ses émotions. On aimerait que leur attention reste fixée sur nous comme elle le serait sur la dernière série à laquelle ils sont devenus accro. Et l’attachement émotionnel n’est pas à prendre à la légère.
Le storytelling est efficace pour cette raison : il vous procure du plaisir. On aime écouter des histoires et nous y sommes accros. C’est pourquoi la plupart d’entre nous ne s’intéressera pas forcément aux caractéristiques d’un produit, mais il se peut qu’une histoire nous fasse plaisir, car elle ne grillera pas notre cerveau à la fin d’une journée de travail. Et on gardera même cette histoire quelque part dans notre tête sans même s’en rendre compte. Je parie que vous connaissez tout un tas d’histoire : celle qu’on vous lisait avant d’aller au lit quand vous étiez enfant, ou cette anecdote du collège ou encore une histoire qu’un ami vous a racontée à propos d’un membre de sa famille. On se souvient des histoires bien plus que des formules de maths. Et les marketers l’ont bien compris : c’est pour cela que le marketing émotionnel et le storytelling sont aujourd’hui si populaires.
Pourquoi fait-on ce que l’on fait
Le storytelling, c’est une histoire au service d’un message. Et chaque produit ou service porte un message. Dans sa théorie du Cercle d’or, Simon Sinek avance que « les gens n’achètent pas ce que vous faites, ils achètent la raison pour laquelle vous le faîtes. »
L’exemple d’Apple…
Cette théorie souligne l’importance de savoir pourquoi est-ce que l’on fait ce que l’on fait.
Résumons cette théorie avec l’exemple de la société Apple : pourquoi est-ce que tout le monde achète des produits Apple ? La plupart de sociétés concurrentes disent : « Nous faisons de supers ordinateurs. Ils sont magnifiquement bien conçus, simples à prendre en main et à utiliser. Voudriez-vous en prendre un ? » Ils ont répondu à « quoi », puis à « comment », mais jamais à « pourquoi », donc ouais, peut-être que j’achèterai votre ordi, je reviens vers vous après réflexion.
Apple prend cette tendance à contrepieds : ils suivent le Cercle de l’intérieur vers l’extérieur. « Dans tout ce que nous faisons, nous voulons renverser le statu quo et penser différemment. Nous sommes anticonformistes et créons donc des produits magnifiquement bien conçus, simples à prendre en main et à utiliser. D’ailleurs, nous faisons de supers ordinateurs. Voudriez-vous en prendre un ? » Ce à quoi on répond que carrément, on aimerait bien que le choses ne restent pas en l’état et changer aussi le statu quo. Parce qu’avant de répondre à « comment » ou « quoi », ils vous ont dit pourquoi ils faisaient ce qu’ils faisaient. Ceci a résonné en vous et avec vos convictions. Et c’est là, la magie du storytelling.
…appliqué à notre cerveau
Voilà de quoi vous étonner : c’est de la biologie, et non pas de la psychologie. Notre cerveau ressemble à ce Cercle d’or. Notre néocortex (la partie extérieure représentant « quoi » est responsable de notre pensée rationnelle et analytique, y compris le langage. Les deux parties centrales sont comme notre cerveau limbique : elles gèrent nos émotions et notre humanité. C’est grâce à cette partie du cerveau que nous prenons des décisions, et cette partie n’a aucune connaissance linguistique. Prise de décision et langage sont donc complétement distincts. Donc quand Apple adresse directement le « pourquoi », ils parlent directement à la partie de notre cerveau qui prend les décisions. C’est seulement dans un second temps que rationnalisons les mots qu’ils prononcent.
Et comment faire pour traduire et localiser le storytelling ?
Le storytelling, c’est des émotions, des sentiments. La difficulté : comment traduire les émotions, comme elles ne sont pas reliées au langage ?
Lost in translation
Comme vous voulez traduire des sentiments et non pas seulement des mots, vous ne pouvez pas vous concentrer seulement sur l’aspect linguistique. Sauf si vous voulez perdre l’essentiel de votre slogan ou l’intention de votre tagline. Vous devez vous souvenir que chaque culture est différente, et que cela doit influencer votre stratégie marketing. C’est d’autant plus vrai si vos clients font partie des acheteurs compulsifs. On ne fait pas des achats compulsifs seulement pour le produit en lui-même, mais aussi pour tout le marketing inhérent. C’est pourquoi la traduction doit être réfléchie : un public singapourien ne réagira pas de la même façon qu’un public russe.
Si vous voulez obtenir une réaction de vos clients, vous devez comprendre toutes les nuances du texte source pour les transmettre dans votre texte cible. Et c’est l’un des seuls terrains où la traduction automatique n’est pas des plus efficaces : ce genre de texte marketing nécessite un point de vue humain. Essayez de donner une blague avec un jeu de mot à Google Traduction ou DeepL par exemple : il est peu probable qu’ils ressortent quelque chose qui arrive à la cheville du texte original.
Slogans, taglines, figures de styles, jeux de mots… tout cela ne marche que dans une culture donnée. Si on change de culture, on change de jeux de mots, de slogans, etc. Parce qu’ils véhiculent des nuances si particulières qui prennent en compte le langage, la culture, mais aussi le marketing. En adaptant un produit, il faut faire attention à adopter le point de vue du public cible. Vous gagnerez ainsi leur confiance, ils se sentiront choyés. Prenez garde à tester la créativité de votre traducteur, et non pas seulement ses compétences linguistiques.
La localisation est essentielle
Lorsque vous créez un produit que vous allez déployer à l’étranger, vous devez penser à l’internationalisation. C’est-à-dire que vous devez penser à rendre le produit facilement adaptable à une culture étrangère. Ce processus est une des clés d’une localisation réussie : un produit doit pouvoir gérer plusieurs langues et conventions culturelles. Le contenu marketing doit donc être spécifique à un public cible, mais au point où il sera impossible à traduire.
Faîtes donc attention aux one-liners et autres blagues. Si une tagline est un jeu de mot faisant référence à une chanson connue de tous les français par exemple, la traduire littéralement en espagnol n’aurait aucun sens. Il vous faut trouver une chanson qui fera écho dans la culture espagnole, de la même façon que la première chanson résonnait dans la culture française. C’est pour cela que vous devez penser à votre stratégie de localisation pour vos sites web, mais aussi tous vos produits.
Et rappelons-nous cette fameuse phrase de Nelson Mandela (qu’il serait dommage de traduire) : “If you talk to a man in a language he understands, that goes to his head. If you talk to him in his language, that goes to his heart”. C’est ce lien qui unit le storytelling et la traduction.
N’hésitez pas à nous partager des mauvaises traductions de slogans ou autre, nous serions ravis d’échanger à ce sujet !
Article écrit par Léa Ferbos, Master CAWEB
Sources
(cliquez ici !)
Divertissement
Replika : Le chatbot émotionnel qui veut devenir votre ami
How great leaders inspire action
Simon Sinek
The magical science of storytelling
Plan cœur : comment capturer le cœur des consommateurs singapouriens
TAO : la technologie va-t-elle remplacer les traducteurs humains ?
Localisation de sites web : les bonnes pratiques pour briller à l’international